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Rose Dieng-Kuntz (1956 – 2008), pionnière du Web sémantique et de l’intelligence artificielle

Presse

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08/03/2022


© Inria / Photo J. Wallace.

Ancienne élève de la promotion 75, Rose Dieng-Kuntz est la première femme africaine diplômée de l’École polytechnique.


Les années à Polytechnique et à Télécom

Rose est née au Sénégal. Après passer son bac à Dakar, elle arrive en France en septembre 1973 pour étudier dans les classes préparatoires du lycée Fénelon, à Paris.

Elle est admise à l’X en 1976. Le concours n’est ouvert aux femmes que depuis cinq ans. Élève de nationalité étrangère, elle ne fait pas de service militaire et intègre directement la promotion précédente, la 75.

Ses camarades se souviennent de son éclectisme et notamment de sa passion pour le théâtre et l’opéra. Elle fait partie du club de théâtre de l’École, interprète un rôle d’actrice et de chanteuse dans la pièce que monte les élèves en 1979. 

Première femme africaine admise à l’École polytechnique, Rose devient un symbole pour son pays natal. C’est ainsi qu’elle est invitée à participer à un voyage officiel du Président de la République française en avril 1977, pour le sommet franco-africain qui se tenait, cette année-là, à Dakar. Il faut dire que le président de l’époque est Valéry Giscard d’Estaing (X44). La présence de Rose dans son ancienne école ne lui a pas échappée !

Rose choisit l’École des Télécom, comme école d’application, à la grande surprise de ses proches qui l’imaginaient s’orienter vers des domaines plus balisés. À Télécom, Rose se familiarise avec les sciences de l’information, domaine foisonnant en pleine évolution. Elle termine son brillant cursus universitaire par un DEA en informatique et une thèse sur la spécification du parallélisme à l’Université Paris-Sud d’Orsay.


La découverte d’une passion : la recherche

Dans la décennie des années 80, on se pose la question du support que l’informatique peut apporter au raisonnement humain. On parle alors de « systèmes experts ». De plus, l’évolution technologique fait chuter le coût de la mémoire informatique de façon vertigineuse. Le monde de la connaissance s’y engouffre : on enregistre de l’information, on emmagasine, on stocke, on crée de l’archive encore et toujours. Face à cette avalanche, qui ne fait que commencer, les chercheurs comme Rose prennent du recul. 

Comment procéder pour retrouver les informations qui nous sont pertinentes ? Ne serait-ce pas chercher une aiguille dans une botte de foin ? C’est à ce défi inédit que Rose va se mesurer.

Appelée par Pierre Haren (X73), fondateur d'Ilog, Rose rejoint l’INRIA en 1985 pour participer à des projets d'intelligence artificielle.

Quelques années plus tard, en 1992, Rose prend la direction de l’équipe ACACIA à l’INRIA de Sophia Antipolis. Elle est la deuxième femme à y diriger un programme de recherche.

Elle comprend immédiatement que la connaissance est un patrimoine qu’il faut préserver et participe, avec l’équipe ACACIA, à la création du concept de mémoire d’entreprise. Elle affirme : « La connaissance, si tu ne la sauves pas, tu la perds ». Ses travaux ont été précurseurs des ontologies informatiques, outils pour représenter précisément un corpus de connaissances sous une forme utilisable par une machine. Elle a participé à l’élaboration de méthodes symboliques du traitement du langage naturel pour extraire les informations sémantiques et les représenter sous forme de graphes de connaissance. Prenons un exemple pour illustrer le questionnement : saurions-nous retrouver de façon pertinente et structurée l’ensemble des problèmes rencontrés sur les chaînes de montage des voitures Renault. Aujourd’hui, des travaux similaires sont menés à l’INRIA pour retracer le harcèlement sur Twitter en s’appuyant sur une combinaison de méthodes symboliques et de réseaux de neurones.

Son approche humaniste et son intuition lui ont également permis d’orienter très tôt l’équipe ACACIA vers le web sémantique qui a pour objectif de proposer une représentation de la connaissance sous la forme de standards qui permettraient l’échange de connaissances et qui seraient reconnus internationalement.  

Le web social collaboratif, idée émergente dans les années 90, retient l’attention de l’équipe. La collaboration est l’idée que tout un chacun peut contribuer à l’enregistrement de la connaissance. Wikipédia, largement présent sur le Web au XXIe siècle, est une belle illustration des idées de ces années où l’intelligence artificielle est en devenir.

Rose a pris le risque de choisir des sujets multidisciplinaires et complexes, qui nécessitent de mobiliser des domaines scientifiques jusqu’ici assez éloignés. C’est ainsi qu’elle regroupe dans son équipe à la fois des compétences en informatique et en psychologie. Cette démarche a permis de positionner l’équipe ACACIA en pionniers, en France et dans le monde. 

Son rire communicatif, sa positivité, son excellence académique et son affabilité l’amènent à collaborer avec de multiples équipes externes, réaliser de la médiation pour les jeunes et présider des groupes de travail avec des académiques et des industriels tels que Renault ou Dassault. 

Avec Olivier Corby, Fabien Gandon et Alain Giboin, elle publie en 2005 : Knowledge management - Méthodes et outils pour la gestion des connaissances. Ses travaux sont récompensés : en 2005 elle reçoit le prix Irène Joliot-Curie ; l'année suivante, elle est nommée chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur.

 

Le souvenir de Rose 

Rose s’éteint le 30 juin 2008 des suites d’une maladie. Elle a 52 ans. Dans un communiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche dira « La France et la science viennent de perdre un esprit visionnaire et un talent immense ».

Son souvenir perdure. Elle est un symbole et un exemple pour les nouvelles générations, en particulier pour les jeunes filles au Sénégal. 

 

Article écrit par Diane Dessalles-Martin (X1976) et Anne-Flore Baron (X2016). L'intégralité est à retrouver dans l’annuaire 2022 envoyé aux membres de l’AX.

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