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Uber ubérisé par l'Etat ? Par Laurent Daniel

LD
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X Sursaut

22/08/2016

L’ubérisation semble être une nouvelle tendance irrémédiable…

L’entreprise américaine Uber a bouleversé le secteur des taxis et ceci au niveau mondial. Le verbe ubériser est venu généraliser ce mouvement de disruption de secteurs traditionnels par de nouveaux acteurs digitaux, par exemple l’hôtellerie avec AirBNB, Booking, Tripadvisor, …

… et dont les effets concurrentiels sont ambivalents…

L’utilisation des nouvelles technologies abat ainsi les barrières à l’entrée dans de nombreux secteurs. Dans le même temps, de nouveaux monopoles émergent, créant ainsi de fait de nouvelles barrières mais celles-ci d’un autre type, non plus corporatistes ou réglementaires, mais désormais technologiques avec une très forte prime au premier entrant et à la taille.

… et dont doivent tenir compte les pouvoirs publics

Au printemps 2015, des manifestations et des blocages en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, ont montré la grogne des taxis face à cette nouvelle concurrence qu’ils jugent déloyale. Les pouvoirs publics doivent repenser, à l’aune de ces nouveaux entrants d’un nouveau genre, la notion de concurrence ainsi que la liberté de commerce et de l’industrie.

Des activités très semblables entre taxis et VTC

Les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) peuvent se définir de la manière suivante :

  • Selon la loi du 20 janvier 1995, un taxi est un véhicule automobile « de neuf places assises au plus, y compris celle du chauffeur, muni d’équipements spéciaux, dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de la clientèle afin d’effectuer à la demande de celle-ci et à titre onéreux le transport particulier des personnes et de leurs bagages ».
  • Selon la loi du 1er octobre 2014, les entreprises de VTC sont des véhicules qui « mettent à la disposition de leur clientèle une ou plusieurs voitures de transport avec chauffeur, dans des conditions fixées à l’avance entre les parties. Ces entreprises sont soit des exploitants de voitures de transport avec chauffeur, soit des intermédiaires qui mettent en relation des exploitants et des clients ».

La différence clé réside ainsi dans le fait que les taxis ont la possibilité de prendre des voyageurs qui les hèlent lorsqu’ils circulent et stationnent sur la voie publique, ce qui n’est pas autorisé en règle générale pour les VTC.

L’arrivée des sociétés de VTC a entrainé des gains pour les consommateurs et les nouveaux chauffeurs de VTC…

Ces nouveaux entrants ont procuré des gains aux consommateurs : une nouvelle offre avec parfois des prix plus avantageux, des nouveaux services à bord (bouteille d’eau, recharge de portable, …), des innovations technologiques (paiement par internet ou mobile, géolocalisation), ce qui a provoqué des innovations similaires des sociétés de taxis.

De plus, beaucoup de personnes, notamment jeunes et parfois issus de zones où le taux de chômage est très élevé sont devenus chauffeurs VTC ce qui les a sortis du chômage ou leur a apporté un revenu complémentaire.

… mais aussi des aspects négatifs pour les chauffeurs de taxis et de VTC

Toutefois, les taxis payent le prix fort de cette nouvelle concurrence avec une réduction de la valeur de leur licence que beaucoup d’entre eux ont acquis au prix fort et parfois après l’avoir loué pendant de nombreuses années. Certains chauffeurs de taxis supportent en outre une imposition fiscale et sociale plus élevée que les chauffeurs de VTC qui sont considérés comme des indépendants.

Les chauffeurs de sociétés de VTC sont dépendants des conditions fixées par la plateforme dont ils dépendent sans en contrepartie bénéficier de la protection de l’emploi ou d’une garantie de chiffre d’affaires, ce qui les met dans une situation de précarité élevée. De plus, souvent, les chauffeurs de VTC ne sont pas au fait des règles comptables et risquent ainsi de travailler à perte.

Mettre en place des mesures favorables aux chauffeurs de taxis et de VTC ainsi que leurs clients et ubériser les entreprises de taxis et les grandes plateformes de VTC

Il y a environ 50 000 taxis en France dont approximativement 18 000 en région parisienne, avec la société de taxis de G7 en position très forte.

Le député Laurent Grandguillaume chargé de la médiation dans le conflit des taxis indiquait que « Les VTC, comme les taxis, sont frappés par la paupérisation. ». Il faut donc rechercher des solutions au bénéfice des chauffeurs de taxis et de VTC mais pas de ceux qui captent actuellement l’essentiel de la valeur, c’est à dire les grandes sociétés de taxis et les plateformes de VTC.

Pour cela, il faut que les chauffeurs de VTC et de taxis puissent s’affranchir progressivement de la dépendance aux entreprises qui captent une part importante de la valeur de leur travail.

L’alignement des conditions fiscales et sociales des chauffeurs de taxis et VTC serait bien sûr aussi souhaitable.

Les pouvoirs publics mettent en place progressivement depuis 2015 dans plusieurs grandes villes de France la nouvelle plateforme Internet Le.taxi.  Celle-ci est par exemple déjà disponible à Paris, Marseille, Rennes et bientôt à Lyon. Cette plateforme prévue par la loi Thévenoud donne la possibilité aux clients de commander un des taxis inscrits sans frais d’approche.

Plusieurs applis partenaires (TedyCab, Zaléou, Triperz) permettent d’accéder au service sur son smartphone comme c’est le cas pour les applications VTC de type de celle développé par Uber. Les chauffeurs de taxi doivent payer un abonnement mensuel ou payer à la journée ou à la course l’accès au service. Les chauffeurs de taxi indépendants semblent apprécier cette nouvelle plateforme y compris la possibilité offerte aux clients de noter la qualité du service.

Les pouvoirs publics ont ainsi développé un système de géolocalisation et de propositions de courses. L’État devient ainsi gestionnaire de plateforme et se substitue aux sociétés privées qui bénéficient manifestement aujourd’hui d’une situation de position forte et/ou de captation très élevée de la valeur.

C’est donc un nouveau cap qui est désormais franchi dans la régulation des plateformes. Cette substitution de l’État aux plateformes privées pourrait être aujourd’hui imaginée pour d’autres secteurs économiques comme l’hôtellerie. À condition de ne pas freiner l’innovation, ce type d’implication de l’État permet ainsi de restituer la valeur aux acteurs situés et opérant en France : pour les taxis dès aujourd’hui, les hôtels bientôt peut être et probablement pour beaucoup d’autres secteurs économiques à moyen terme.

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