Portrait d’alumni : Elias Azzi (X12), docteur en écologie industrielle
Pour ce nouveau portrait d’alumni, nous avons rencontré Elias Azzi, diplômé de la promotion X12, docteur en écologie industrielle et lauréat d’un prix décerné par l’Académie royale d’agriculture et de sylviculture de Suède pour son travail doctoral exceptionnel. Il est également ambassadeur AX à Stockholm, aux côtés d'Ulysse Dhomé (X13) et Bruno Dizengremel (X83).
Chercheur à l’université suédoise des sciences agricoles (SLU), conseiller scientifique pour Puro.earth, et nouvellement enseignant vacataire à l’X, Elias Azzi a fait une thèse étudiant l’impact climatique de la production et l’utilisation de biochar.
Découvrez son interview.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Une présentation par les origines : né en 92, j’ai grandi en banlieue parisienne avec ma sœur aînée, dans une famille modeste, culturellement diverse. Père originaire du Liban, adolescent soldat durant la triste guerre de 75-90, menuisier ébéniste en France ; mère originaire d’Allemagne, comptable en entreprise.
Une présentation par mots clés : établi en Suède, chercheur et consultant indépendant. Bioénergie, agriculture, biochar, climat et écologie industrielle. Associations de jardins partagés, d’arts et artisanat. Volleyball et kayak. Man in the Mirror, de Michael Jackson (1987).
Pourquoi avoir choisi l’École polytechnique ?
C’était le plus grand des hasards ! Mes parents ne connaissaient pas le système éducatif français, mais mon père nous a toujours répété : l’école, c’est important. Le reste, je le dois à l’aiguillage précis de mes enseignants. L’idée de faire une prépa m’a été soufflée par ma prof' de maths au lycée, Mme Doyen, alors que je m’orientais vers une licence en informatique. Les vœux d’admission en école d’ingénieur ont été remaniés avec les conseils de ma prof' de physique, Mme Sanz, à la dernière minute, pour mettre l’X en première position, au détriment de l’ESPCI. Merci à elles et à tous mes autres enseignants !
Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire un doctorat en Suède après l’X ?
Je ne vais pas dire que c’était un hasard, mais presque. Ce n’était pas un objectif. J’avais même déjà rejeté l’idée et décliné deux invitations. Mais au printemps 2017, on m’a proposé un sujet coup de cœur à l’intersection de mes travaux passés entre agriculture, climat, énergie et gestion des ressources naturelles ; un financement ; une encadrante de thèse que je connais bien ; le tout dans un nouveau département de recherche pluridisciplinaire en développement durable. Ce doctorat était pour moi l’occasion en or pour approfondir mes connaissances dans un environnement très agréable.
Quel est le sujet de ta thèse ?
J’ai fait une thèse en écologie industrielle, appliquée à la production et l’utilisation de biochar.
L’écologie industrielle, c’est le domaine de recherche qui étudie les flux de matière et d’énergie à travers la société, et les conséquences environnementales de ces flux.
Le biochar, c’est une sorte de charbon végétal qu’on utilise pour tout, sauf pour le barbecue ! Le biochar, c’est aussi une des rares façons de retirer du dioxyde de carbone de l’atmosphère pour le stocker dans les sols, tout en ayant une myriade de potentiels effets sociaux et environnementaux positifs (contrairement à d’autres techniques).
En gros, en faisant de l’analyse de cycle de vie (ACV), j’ai étudié les conditions nécessaires pour que cette technologie soit désirable d’un point de vue climat et environnement. Plus d'info ici pour les curieux.
En janvier 2023, l’Académie royale d’agriculture et de sylviculture de Suède t’a décerné un prix pour la qualité de ta thèse. Qu’est-ce que ce prix représente pour toi ?
C’était une belle surprise un an après ma soutenance. C’était l’occasion de communiquer nos résultats à un grand public et de remercier à nouveau tous les partenaires qui ont contribué au projet.
Cela a été aussi un moment pour réaliser à quel point le paysage a évolué depuis 2017. À l’époque, il n’y avait qu’une poignée de projets commerciaux de biochar en Suède. Maintenant on en a plusieurs dizaines. On observe la même dynamique à l’international (dont quelques projets en France). La recherche autour du biochar a commencé en 2000 : vingt ans plus tard, c’est le « boom » du biochar mais non sans quelques défis d’intégrité !
Porter à nouveau le Grand Uniforme de l’École, lors de la « pompeuse » cérémonie de remise des prix à l’hôtel de ville de Stockholm (là où s’est tenue également la cérémonie de remise des prix Nobel, un mois plus tôt), a été l’occasion de faire connaître l’X mais surtout un symbole : le trait d’union entre, d’une part, mes études à l’X qui m’ont ouvert la porte de la Suède et de la thèse, et d’autre part, le retour à l’X en tant qu’enseignant vacataire pour un cours d’introduction au développement durable (en ce moment, pour le Bachelor de l’X, et peut-être bientôt pour le cycle ingénieur ?). Renouer avec l’X en enseignant aux nouvelles générations d’étudiants des notions qui étaient absentes à l’époque, cela compte beaucoup pour moi.
©Erik Cronberg, Académie royale d’agriculture et de sylviculture de Suède.
Tu as soutenu ta thèse en écologie industrielle en janvier 2022. Que fais-tu depuis et quels sont tes projets professionnels ?
Je suis toujours basé en Suède, et je cumule par choix les mi-temps. Je suis à mi-temps chercheur à l’université suédoise des sciences agricoles (SLU) où j’étudie la durée de vie du biochar dans les sols. C'est un sujet technique mais aussi essentiel pour le rôle climatique que le biochar est censé jouer, et pour lequel les études existantes n’étaient pas complètement satisfaisantes.
Je suis également à mi-temps conseiller scientifique et ACV pour Puro.earth, une jeune entreprise qui certifie et facilite le financement de divers projets de capture de carbone. En pratique, aujourd’hui, ce sont essentiellement des projets de biochar sur tous les continents. La capture de carbone étant un sujet parfois polémique, souvent mal compris, mais aussi en pleine ébullition, mon rôle est de mettre en place certains critères d’intégrité et de faire en sorte que la comptabilité carbone soit à la hauteur. Ma formation de chercheur et le sujet de thèse sont d’une grande utilité dans ce travail.
Et pour le troisième mi-temps, je partage mon temps entre enseignement à l’X, implications dans des projets de développement au Liban, ambassade AX en Suède, association de jardins partagés en banlieue de Stockholm, animations de fresques du climat…
Un message à la communauté polytechnicienne ?
Si le concept de « développement durable » ne rime pas encore dans l’esprit de chacun avec « économie du doughnut » ou « limites planétaires », il est grand temps de nous y former, autant les jeunes que les moins jeunes.
Le corollaire étant que, une fois formés au sujet, nous avons tous un rôle à jouer par notre travail, par nos choix individuels, et en tant que citoyens du monde. Ce n’est plus une option : il faut agir sur ces trois axes simultanément et par souci de cohérence.
Évidemment, il n’y a pas une seule façon de faire. Nous avons tous des sensibilités différentes. J’en parle régulièrement avec des camarades de promotion, et je serai ravi de collecter davantage d’opinions et d’expériences de la communauté.
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