Parcours d'alumni : Jeanne Lantz (2009), d'ingénieur terrain à ingénieur dans le BTP
Présidente du groupe Polytechnique au féminin et impliquée dans divers réseaux de femmes alumni, Jeanne Lantz (2009) a commencé sa carrière comme ingénieure terrain chez Schlumberger. Aujourd’hui, elle occupe un poste d’ingénieure travaux principale chez Atlas Fondations et travaille sur plusieurs projets de métro.
Dans cette interview elle nous parle de ses années à l'École polytechnique, de son parcours après l'X et nous livre son témoignage en tant que femme ingénieure dans une carrière industrielle.
Bonne lecture !
Pourquoi l’École polytechnique ?
Après le bac, j’ai décidé de faire une prépa PCSI car j’aimais les sciences et en particulier la chimie. Au résultat des concours, j’ai décidé de choisir Polytechnique car cela me permettait de garder le plus de portes ouvertes et de continuer à faire de la chimie.
Comment décrirais-tu tes années passées à l’X ?
J’ai beaucoup aimé mes années à l’X.
La diversité des cours continue à nous encourager à être adaptables et curieux tout en nous faisant découvrir en profondeur différents sujets.
J’ai aussi été très impliquée dans plusieurs binets, en particulier le JTX, l’APV et le club de bridge. Cela m’a permis de participer à beaucoup d’évènements de la vie de l’école en les filmant, même si je n’étais pas impliquée dans l’association organisatrice.
Ton plus beau souvenir à l’X ?
Un de mes souvenirs les plus marquants a été de filmer la SYWoC (Student Yachting World Cup) depuis un hélicoptère. Je ne pense pas que ce type d’opportunité soit aussi fréquent dans d’autres écoles.
Je garde de nombreux amis de mes années d’école, mes meilleurs moments à l’X sont des moments passés avec eux. Je pense en particulier à de nombreuses soirées à jouer au bridge en mangeant des pizzas.
Ton parcours après l’X ?
J’ai passé ma quatrième année à l’Imperial College à Londres où j’ai fait un master de génie chimique. J’ai choisi ce master car j’aimais la chimie et que je voulais me diriger vers des métiers industriels.
Lors de ma première recherche d’emploi, j’ai découvert l’existence du programme Tech and Field de Schlumberger. Ce programme consiste en 1,5 an de terrain sur les puits de pétrole suivi de 2 ans en centre de R&D. Cela permettait de découvrir les deux aspects de l’entreprise.
J’ai donc commencé ma vie professionnelle en tant qu’ingénieure terrain chez Schlumberger à Midland, Texas, à cimenter des puits de pétrole à toute heure du jour et de la nuit. Après une période de formation, j’ai eu ma propre équipe d’opérateurs et la responsabilité de chaque cimentation. Malgré les difficultés pratiques liées aux horaires et aux conditions de travail, ce travail m’a beaucoup plu. J’ai eu une première expérience de management humain et j’aimais l’aspect pratique des opérations.
J’ai ensuite passé 1,5 an en centre technique à Houston, toujours au Texas, à travailler sur l’aspect chimique des coulis de ciment utilisés dans le pétrole. Les problématiques étaient intéressantes mais le rythme d’un centre de recherche ne me correspondait pas. J’ai aussi commencé par un projet auquel je ne croyais pas et où j’ai mis 9 mois à convaincre mon chef que ce travail n’aboutirait pas. J’ai fini la formation liée au programme Tech and Field mais j’ai ensuite décidé de démissionner afin de quitter rapidement la R&D, le pétrole et de rentrer en France plus près de ma famille.
J’ai recommencé une recherche d’emploi, cette fois-ci avec une expérience professionnelle facilement valorisable et une idée plus précise de ce que j’attendais de mon travail. J’ai hésité à aller dans l’industrie chimique, mais j’ai finalement choisi de profiter des opportunités du grand Paris et de me reconvertir dans le BTP. Je travaille maintenant chez Atlas Fondations (filiale de fondations spéciales française d’un groupe de construction Belge) où je continue à mettre du ciment dans des trous, maintenant sous forme de béton pour le futur métro.
Ton métier aujourd’hui ?
Je suis aujourd’hui ingénieure travaux principale pour Atlas Fondations et je travaille sur plusieurs projets de métro. Je m’occupe donc de plusieurs chantiers de fondations spéciales et j’ai sous ma responsabilité plusieurs ingénieurs travaux. Les ingénieurs travaux sont responsables du quotidien du chantier et de la production avec l’aide du chef de chantier tandis que je m’occupe plus des relations avec nos clients, nos partenaires et nos fournisseurs ainsi que du contrat et des aspects financiers. J’aide à gérer la production quand il y a des problèmes, ce qui arrive régulièrement.
Dans mon quotidien, il y a donc une grande part de management humain, à la fois hiérarchique et transverse. C’est aussi compliqué de convaincre notre fournisseur de béton de nous livrer le samedi que de demander à un ingénieur travaux d’être présent pendant le bétonnage en question.
Je trouve très satisfaisant de travailler dans le BTP. C’est un sentiment de fierté très agréable quand on peut voir le résultat de nos efforts. De plus, le grand Paris est un très beau projet dont on a tous conscience de l’apport dans notre quotidien futur.
Qu’est-ce que tes études à Polytechnique t’ont apporté dans ton parcours professionnel ?
Mes études m’ont appris à être organisée, concentrée et donc efficace. Même si je ne fais plus un métier particulièrement technique, je n’ai pas peur de la complexité. Si un problème technique se présente, je sais que je peux le comprendre si je prends le temps d’y réfléchir.
Je travaille actuellement dans le BTP alors que j’ai fait des études de chimie, autant dire que mes cours ne me servent pas beaucoup. La variété dans les cours de l’école permet tout de même une certaine adaptabilité.
Ceci dit, le fait d’avoir fait Polytechnique est un avantage sur la carte de visite : personne ne met en doute mes compétences et mes capacités de réflexion. Cela m’a permis de passer facilement du domaine du pétrole au BTP.
Aujourd’hui, les femmes sont-elles plus nombreuses dans les carrières scientifiques et industrielles qu'il y a quelques années ? Quel est ton témoignage en tant qu’ingénieure dans le BTP ?
Les femmes sont plus nombreuses dans les carrières scientifiques et industrielles mais elles restent largement minoritaires et elles sont encore très peu dans les cercles décisionnaires. Dans le cadre des réunions auxquelles j’assiste, nous sommes rarement plus d’un quart de femmes et dans les réunions à plus haut niveau, elles sont encore moins.
Mon chef a récemment assisté à une réunion concernant des sujets financiers de l’ordre de dizaines de millions d’euros, il y avait une femme pour dix-neuf hommes. On m’a rapporté certains propos dits lors du déjeuner, par un des principaux décisionnaires, qui étaient extrêmement sexistes. Cette personne (malheureusement un polytechnicien) n’aurait probablement pas osé tenir ce type de propos s’il y avait eu plus de femmes dans la salle, ou bien leur présence aurait poussé les hommes à intervenir.
Ceci dit, pour l’instant, je n’ai à aucun moment dans ma carrière souffert ou été interpellée de façon négative par rapport à mon genre. Je reprends cependant régulièrement mes collègues sur des commentaires sexistes. Au moins, le manque de subtilité du sexisme dans le BTP permet d’intervenir facilement.
En observant la situation actuelle, en tant que femme, je me pose forcément la question de mon avenir. A mon niveau de responsabilité il y a une proportion de femmes qui augmente, mais ce n’est pas le cas des niveaux de responsabilité plus élevés.
Tu es présidente du groupe Polytechnique au Féminin. Peux-tu nous en parler ?
Polytechnique au féminin est le groupe des anciennes Xes et fait partie de Sciences ParisTech au féminin qui est le groupe des anciennes des écoles d’ingénieurs de ParisTech (X, Mines, Ponts, ENSTA, ENSAE, ENSAM, SupOptique, Telecom, ESPCI…) dont je suis secrétaire générale.
C’est donc un réseau comme l’AX mais dont les membres sont des femmes. Nous organisons des évènements comme des conférences, du speed networking, des ateliers… Toutes les femmes de l’X peuvent s’inscrire au groupe et la plupart de nos évènements sont ouverts à tous.
De plus je représente l’AX à GEF : Grandes écoles au féminin. Cette association a été créée il y a plus de dix ans par les associations d’anciens élèves de 10 écoles : l’X, les Mines, les Ponts, Centrale, HEC, l’ESSEC, l’ESCP, l’INSEAD, l’ENA et Sciences-Po. GEF milite pour promouvoir les femmes dans le travail et en particulier les femmes diplômées de très bonnes écoles pouvant théoriquement accéder à des postes à très hautes responsabilités. GEF agit entre autres au travers d’études pour réfuter les préjugés sur les femmes dans le travail, de petits-déjeuners avec des PDG de grandes entreprises pour les questionner sur leur politique de parité et de GEF StartUp promouvant des projets portés par des femmes.
J’ai décidé de m’impliquer dans ces associations car je remarque l’absence de femmes et que je voudrais agir pour y pallier. Le parcours pour rentrer à l’X laisse penser que la réussite est liée à des critères objectifs et qu’être compétente est suffisant mais les statistiques montrent que ce n’est pas encore le cas.
Les groupes X sont un élément de vitalité de la communauté polytechnicienne. Pour toi, quelle est l’importance de t’impliquer dans le réseau des alumni de l’X ?
Je suis principalement impliquée dans les réseaux de femmes alumni. Je vois un apport réel aux échanges que j’ai avec d’autres alumni : nous avons les mêmes problématiques, des niveaux de vie et des ambitions similaires ; nous pouvons donc discuter de sujets pertinents sans se soucier de l’image donnée.
Au sein du cercle professionnel, il est compliqué de mettre en avant nos différences lors d’échanges sur certaines problématiques et le cercle amical a tendance à être très homogène. Le réseau alumni permet de rencontrer des personnes ayant des parcours similaires au sien mais plus de diversité que ceux que l’on peut rencontrer au quotidien.
Un conseil aux élèves ?
L’avantage d’être allé à Polytechnique est que nous avons le luxe du choix et la possibilité de changer d’avis.
Mes conseils sont donc :
- Faites un travail qui vous plaît, parce que vous y serez plus heureux mais aussi parce que vous y serez meilleurs. C’est encore mieux quand cela s’inscrit dans le cadre de vos valeurs.
- Si c’est possible, choisissez votre chef. Il vaut mieux un bon chef dans une mauvaise entreprise qu’un mauvais chef dans une bonne entreprise.
- On n’a pas besoin de savoir ce qu’on veut faire dans 10 ans pour être heureux dans son travail donc ne vous stressez pas trop si vous avez des doutes.
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